ENSEIGNEMENT 4 : Valoriser et mobiliser les pratiques numériques des bénéficiaires dans l’ESS

La question de l’intégration des compétences et pratiques numériques des bénéficiaires, dans les stratégies d’accompagnement des professionnels de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) se pose avec acuité. Cette démarche vise à tirer parti des aptitudes numériques des bénéficiaires pour améliorer la qualité des services proposés et offrir des réponses innovantes aux besoins des familles. Elle interroge sur les manières dont les salariés peuvent s’appuyer sur ces compétences pour enrichir leur approche et augmenter l’efficacité de leur intervention sociale.

Les bénéficiaires au centre de la réflexion

En plaçant les bénéficiaires au cœur des projets, non seulement en tant que destinataires mais aussi en tant qu’acteurs, les associations peuvent améliorer significativement l’impact et la durabilité de leurs actions. Cette méthode encourage une dynamique d’apprentissage mutuel, augmentant l’efficacité des projets et renforçant les capacités collectives​​. A travers nos observations nous avons pu remarquer que cette dynamique de co-construction n’est pas inclue dans les pratiques de médiation numérique des salariés de l’ESS. Il semble y avoir une méconnaissance des usages pouvant être fait de certaines pratiques intégrées dans les groupes familiaux. Si les enfants et plus largement les jeunes sont loin d’être exempts de lacune dans leurs pratiques numériques, il est apparu à plusieurs reprises que certains usages incompris sont sous valorisés. 

Les compétences numériques des bénéficiaires peuvent prendre des formes et avoir des impacts complètement différents. Par exemple, nous avons rencontré le cas d’un enfant utilisant un smartphone pour suivre un tutoriel de tricot durant un atelier de formation au numérique pour ses parents. Les pratiques de l’enfant auraient pu constituer une base pour le salarié pour faire monter en compétence ses parents. Parallèlement, dans un autre contexte, une situation où une mère laisse sa fille utiliser seule TikTok aurait pu être une opportunité pour sensibiliser aux risques des réseaux sociaux. Ces deux cas révèlent le potentiel des pratiques numériques trop souvent perçues comme éloignées des activités traditionnelles de l’ESS, pour enrichir et varier les approches d’accompagnement.

Compétences numériques : Défis sociaux et pistes d’intégration

Pour Emmanuel Letourneux, il existe un biais lié au statut social dans la valorisation des compétences numériques des bénéficiaires. Il cite notamment le cas du “public issu de l’immigration extra-européenne” qui utilise différents outils comme des réseaux sociaux (facebook, whatsapp,etc… ) ou des banques en ligne pour garder le contact avec leurs familles. Ces pratiques sont régulières et datent des débuts de la numérisation. Les relations avec les bénéficiaires sont bien souvent descendantes et manque de prise en compte des compétences existantes notamment à cause de préjugés.

Face à ce constat, plusieurs recommandations peuvent être formulées pour intégrer efficacement le numérique dans l’action sociale. Premièrement, la création d’ateliers numériques parent-enfant pourrait encourager l’apprentissage mutuel et renforcer les liens familiaux tout en valorisant les compétences numériques. Encourager les jeunes à partager leurs savoirs numériques avec les adultes, notamment à travers des ateliers axés sur des compétences spécifiques comme la sécurité en ligne ou l’utilisation de logiciels, pourrait également s’avérer bénéfique. Il est également suggéré de concevoir des projets sociaux intégrant le numérique de façon transversale, reconnaissant ainsi les compétences numériques des bénéficiaires comme une ressource. Enfin il serait intéressant de former les salariés de l’ESS à la reconnaissance des pratiques numériques des bénéficiaires et aux usages qu’ils peuvent en faire dans leurs propres activités.

Ces propositions visent à créer un environnement où les aptitudes numériques des bénéficiaires sont non seulement reconnues mais également valorisées, facilitant de ce fait l’évolution des pratiques au sein de l’ESS et améliorant la réponse aux enjeux de l’inclusion numérique.